Le métissage est depuis toujours en moi, mais je me suis rendue très vite compte qu’en tant que métisse, nous sommes tiraillées entre nos différentes origines, nos différentes cultures. Pour chacune d’elles, nous ne sommes pas assez noires, pas assez blanches, pas provinciale, pas assez urbaine, pas assez exotique, trop exotique…
– Comment te définis-tu à nos lecteurs / lectrices pour te présenter ?
Je suis Tania Gombert, femme, mère, épouse, dirigeante entrepreneure présidente d’association et engagée. J’évolue depuis une vingtaine d’années sur des postes à fort challenge dans le secteur des assurances. Membre des instances de direction. Je traite notamment des sujets autour de la stratégie marketing, du digital et de la communication. En parallèle, j’ai créé deux structures, avec pour objectif fort soutenir les femmes dans le monde professionnel. J’ai donc :
- mon agence de conseil en stratégie marketing digital et communication, Afervescence.
- ma société d’investissement en nom propre
J’ai un lien tout particulier avec le métissage : Issue moi-même d’un melting-pot de cultures, que ce soit par mon sang ou les différents lieux dans lesquelles j’ai grandi. Ayant 2 filles encore plus métissée que moi, je suis convaincue de la richesse de la diversité et la mixité (âge, genre, milieu social…).
J’ai créé le projet Cap métissage, pour leur créer, nous créer une communauté plurielle prônant la transculturalité. Un projet d’abord confidentiel, familial qui a intéressé un plus grand nombre. Ainsi le projet a grandi et est devenu cet été, l’association Cap Métissage, Association Française du Métissage, pour la promotion de la mixité socio-culturelle. J’ai également pour habitude de dire que je suis féministe par réaction. Dans les faits, je n’ai pas le choix que d’être féministe, je suis issue d’une longue lignée de femmes fortes mais j’ai eu un déclic et aujourd’hui j’affirme avec fierté mon féminisme.
En tant que femme, j’ai malheureusement été confrontée au lourd dictat du patriarcat, que cela soit dans ma vie personnelle ou pro sur du sexisme ordinaire comme 100% des femmes. Des remarques sans doute anodines mais qui à un moment donné ont fait ressortir le féminisme latent en moi.
Un jour ces remarques m’ont été insupportables.
Crise de la quarantaine ? post partum ? ou covid ? Les 3 sans doute…. C’est alors que j’ai rejoint différentes initiatives autour de l’empowerment féminin pour soutenir la cause des femmes.
Pourquoi la femme, qui représente tout de même la moitié de l’humanité – voire plus (52 %), serait-elle un sous-humain forcé à être mis sous la tutelle des hommes ?
– Peux-tu nous raconter ton parcours scolaire, universitaire, professionnel en France ?
Je qualifierais mon parcours scolaire de plutôt classique avec une forte appétence pour les maths : bac S, classe prépa et école… d’assurance. Je n’estimais pas être une excellente élève. J’avais, certes, des facilités mais ce sont surtout les belles rencontres et ma détermination qui m’ont permises d’atteindre une partie de ses objectifs avec audace et beaucoup de travail.
J’étais néanmoins une bonne élève, qui a accepté les règles, et qui a tenté de prendre l’ascenseur social, qui s’est révélé être un escalier avec quelques marches cassées…Et puis j’ai réussi à faire un petit trou dans le plafond de verre pour m’y glisser puisque cela fait 10 ans que je suis dans les comités de direction, comité exécutif de sociétés dans le secteur des assurances.
Être une femme de couleur, issue d’un milieu modeste, mère, épouse à fortes responsabilités, est-ce original ? Est-ce exceptionnel ?
La question reste ouverte. Ce qui est certain, c’est que je ne suis pas là par hasard. J’ai travaillé avec force pour arriver à ce point professionnel et personnel.
Je sais que rien n’est acquis : je suis allée le chercher cet acquis !
-Comment t’es venu l’idée de créer une structure autour des problématiques liées à la question du métissage ? – Pourquoi avoir créé cette association ? quel en est l’objectif ou les objectifs principaux ?
Le métissage est depuis toujours en moi, mais je me suis rendue très vite compte qu’en tant que métisse, nous sommes tiraillées entre nos différentes origines, nos différentes cultures. Pour chacune d’elles, nous ne sommes pas assez noires, pas assez blanches, pas provinciale, pas assez urbaine, pas assez exotique, trop exotique… Bref pas inclue dans une des communautés. Quelle est ma place, moi Tania métisse ? Je me sens comme une addition de cultures, mais les autres cultures me voient comme étrangère à elles. Pourquoi choisir ? Je suis toutes ces cultures !
Cette quête identitaire s’est amplifiée dès lors que je suis devenue mère d’une fille encore plus mixée que moi. Un jour ma fille, âgée alors de 4 ans, rentre de l’école et elle est toute fière de m’annoncer une grande nouvelle, une grande découverte :
« Maman, je suis antillaise ! ». Stupéfaite, je l’interroge sur sa révélation. Elle m’explique alors qu’elle n’avait ni ma couleur, ni celle de son père. Par contre, elle a constaté avoir la même couleur que sa copine, dont la mère est antillaise. C’est là qu’à commencer une grande explication sur le métissage : le métissage raconté à ma fille.
Tout comme sa copine, elle a la chance de réunir en elle différentes cultures, celle de son père et de sa mère mais aussi celle qu’elle va acquérir tout au long de sa vie.
C’est à ce moment-là que j’ai eu envie de lui créer modestement une communauté multifacette du métissage. Je souhaite apporter à mes filles une vision positive du métissage.
Finalement, nous ne parlons que très peu du métissage de manière positive. Le métisse doit souvent choisir sa communauté, or il est multicommunauté !
– Qu’est-ce-que Cap Métissage ? Quels sujets abordez-vous ?
Cap Métissage est une association qui vise à promouvoir les initiatives autour de la mixité socio-culturelle. Il s’agit de donner une image positive du métissage.
Nous souhaitons qu’elle favorise le lien et le mélange des cultures . En approfondissant les liens culturels entre les personnes, et en renforçant le métissage culturel, quelles que soient leurs formes d’expressions, nous encourageons la tolérance et développer des actions de solidarité.
Les sujets à traiter sur ce thème sont nombreux. Dans un premier, temps nous prévoyons de nous concentrer sur des groupes d’échanges autour de la question du métissage. Nous traitons aussi bien de sujets concernant la personne métisse elle-même, parentalité d’un enfant métisse, les couples mixtes. Mais nous n’excluons pas dans un avenir plus ou moins proche d’élargir aux questions de la richesse de la diversité, par exemple dans le monde du travail.
– Que ressens-tu lorsque certains t’insultent ou t’ont insulté enfant ou adolescente, en raison de ta couleur de peau ?
Enfant et adolescente, j’ai été révoltée et en colère d’entendre des insultes sur ma couleur de peau. Cette colère a renforcé ma détermination. J’ai travaillé avec force, et j’ai valorisé toutes mes origines. Aujourd’hui toutes ces moqueries m’ont amené à me battre contre toute forme d’injustice, mais je suis beaucoup plus apaisée devant ce type d’insultes, que je place sous le compte de l’ignorance.
-Est-ce que la France, l’un des pays les plus métissés au Monde, semble accepter la « différence » ? Peux-tu nous expliquer pourquoi ?
La réponse n’est pas binaire. Ayant vécu dans différentes régions de la France, aussi bien zone rurale qu’en zone urbaine, je ne peux que constater que cela dépend du lieu où on habite. Plus on est exposé à la diversité, et une diversité qui se mélange aux autres communautés, plus il est naturel de l’accepter.
Toutefois, j’ai un contre-exemple. Quand nous sommes arrivés en Sarthe, vers mes 9 ans, nous étions les seuls noirs du village, après nous avoir scruté (je ne saurais dire combien de temps), nous faisions partie de la communauté. J’ai quitté mon village de Sarthe à 18 ans, en me sentant enfant du village et acceptée.
– Qu’entends tu par transculturalité ?
La transculturalité est un mot magnifique pour signifier, de manière positive, que nous appartenons tous à plusieurs groupes de cultures. Nous ne pouvons pas nous définir par une seule culture mais tout un mélange de cultures, qui cohabitent en nous de manière harmonieuse.
La transculturalité est une ode à la richesse de la diversité de cultures.
– Quels sont tes projets à court et long terme ?
Nous organisons des groupes d’échanges autour de la thématique du métissage. A court terme ces discussions ont lieu en physique en région parisienne mais souhaitons les généraliser sur l’ensemble de la France et élargir en ligne.
La prochaine date prévue est le 15 janvier 2022. Nous parlerons ensemble des couples mixtes.
Nous avons également pour projet de lancer une grande enquête sur l’identité métisse, qui traiterait à la fois de la perception des métisses par la population mais aussi du ressenti de ces personnes mixtes au sein de la société. A côté de cela nous avons de nombreux projets artistiques visant à promouvoir la richesse du métissage comme notamment :
- Une fresque sur le métissage
- La réalisation d’une BD avec une héroïne métisse à la découverte des légendes oubliées ou méconnues du monde L’organisation de conférences et d’expositions sur le métissage.
– un message à transmettre aux parents dont les enfants, métisses, ont du mal à identifier ?
Je les encourage à valoriser l’apport de ces différentes cultures, la transculturalité. Quoi de plus beau qu’être citoyen du monde ?
Cultiver leur fierté d’appartenir à une communauté plurielle : sois fier mon enfant, sois fier de réunir en toi autant de cultures, sois fier d’être citoyen du monde !
Et si vous voulez en parler, rencontrer d’autres personnes dans le même cas, n’hésitez pas à nous rejoindre dans l’association Cap Métissage.
Consultez sa attendre le profil de Tania Gombert, femme forte de l’année 2022 ! Ou la suivre ici !Egalement pour mieux connaître et adhérer à Cap Métissages.
D’autres articles sur les femmes fortes 2022 très bientôt !