En France et selon les chiffres officiels, 5 à 6% des élèves sont victimes de harcèlement scolaire (source). Les associations évoquent quant à elles, une statistique proche des 10%. Une situation alarmante qui va conduire à l’adoption d’une nouvelle loi instaurant la notion de délit spécifique (source). Car derrière chaque jeune harcelé, se trame une histoire douloureuse, un traumatisme et parfois même, une vie définitivement brisée. Dans son troisième roman coup de poing-coup de cœur, « Au-delà des nuages, le soleil brille », la pétillante auteure Cindy Triaire porte sur le devant de la scène le combat de trois adolescents brisés par l’écrasante rengaine du harcèlement.
Une belle et sombre histoire qui appelle au courage, invite à l’espoir et à la persévérance.
Après le succès incontestable de ses deux premiers romans aux sujets
difficiles, à l’image de la guerre du Rwanda, de la perte d’un enfant ou des conséquences innommables de l’enlèvement, Cindy Triaire a souhaité reprendre la plume pour porter la voix des jeunes gens moqués, qui, victimes de blâmes quotidiens, perdent peu à peu pied.
Une histoire qu’elle a voulu attachante et au plus près de cette
douloureuse réalité.
Un livre qui offre un second souffle à toutes celles et ceux que la vie a éprouvé. Un roman qui s’appuie sur des histoires vraies. Derrière chaque personnage du livre, chaque situation, il y a une réalité, un vécu dont l’auteure se fait la porte-voix. Durant ces huit dernières années, elle s’est entendue confier des centaines de témoignages poignants partagés par des personnes fortes et résilientes, bien qu’abimées.
Le harcèlement scolaire en France
– Peut-on espérer que le harcèlement scolaire puisse être mieux pris en compte par les institutions publiques ?
A ce jour, la notion de harcèlement scolaire relève toujours d’un véritable flou juridique, sans sanction pénale possible. Les cas litigieux sont traités sous le couvert du harcèlement moral, le terme de harcèlement scolaire n’existant pas encore dans le code pénal. Parce qu’il est très difficile de légiférer, les bourreaux ne sont que peu appréhendés. Aussi, ce nouveau texte de loi, validé en première lecture, me semble présenter de réelles avancées.
En effet, si le harcèlement moral se définie comme des actes répétés commis par plusieurs personnes agissant ou non de concert, la nouvelle infraction prévoit que constitueront un harcèlement scolaire « les faits de harcèlement moral commis à l’encontre d’un élève ou d’un étudiant, soit dans un établissement d’enseignement ou d’éducation, soit lors des entrées ou sorties des élèves ou, dans un temps très voisin de celles‑ci, aux abords de ces établissements ». Par ailleurs, et afin d’englober toutes les hypothèses de harcèlement, il est prévu que l’infraction de harcèlement scolaire soit également caractérisée « même si les faits n’ont pas été commis à l’intérieur ou aux abords de l’établissement, dès lors qu’ils seront commis par d’autres élèves étudiant ou ayant étudié dans le même établissement que la victime »*, le harcèlement pouvant fréquemment résulter de messages électroniques transmis à la victime par un autre élève ne se trouvant pas dans l’établissement et ce, en dehors des heures de scolarité.
D’autres articles, que je ne connais pas par cœur, semblent aller également dans le bon sens. Croisons les doigts pour que ce texte fasse bouger les lignes !
– Comment se fait-il que tant de jeunes ne trouvent pas d’aide auprès du corps enseignant ?
Il m’est difficile de répondre à cette question. Je crois que plusieurs facteurs tristement cumulables sont à prendre en compte. Il y a ceux qui sont épuisés et donc moins alertes. Ceux qui se sentent concernés mais démunis. Ceux qui ferment les yeux ou cautionnent, dans le meilleur des cas, sans s’en rendre compte. Et puis il y a le silence qui conduit les victimes à taire leurs souffrances, à les cacher, à les enfouir, à les terrer aux plus profonds d’elles-mêmes. Une maman dont l’enfant a été persécuté durant 4 années consécutives, m’a raconté que son fils avait été harcelé alors même que le papa travaillait comme professeur au sein du collège ! Son mari en a été terriblement affecté. Son enfant se faisait railler, discréditer, moquer sans discontinuer, presque sous ses yeux, et il se s’en est jamais aperçu ! Un vrai traumatisme pour la famille !
Un des points positifs de cette nouvelle proposition de loi est entre autre, d’équiper au mieux les infirmeries pour que les enfants puissent trouver un point d’écoute attentif et bienveillant. Espérons que cet intermédiaire permette de relayer plus facilement les informations et de rendre l’encadrement et les professeurs plus attentifs aux signes.
– Comment les parents doivent-ils se positionner lorsqu’ils détectent des signes de « dépression » dûe aux harcèlements ?
Une question très délicate. Je crois que l’un des premiers points d’ancrage est d’offrir à son enfant une oreille attentive et réconfortante. De lui rappeler combien on l’aime et combien il compte à nos yeux. Que quel que soit ses choix, ses préférences, ses gouts, ses difficultés, on sera toujours là pour lui. On peut l’inviter à se confier lorsqu’il le sentira. Lui proposer une mise en relation avec des personnes compétentes, à l’image des associations existantes sur le territoire. Mais je pense et cela n’engage que moi bien sûr, qu’il est important de toujours demander son avis pour des décisions concertées afin qu’il ne soit pas terrifié à l’idée d’une action de ses parents susceptible de provoquer, dans son esprit, de douloureuses représailles.
– Quels sont les signes justement ?
De tous les témoignages obtenus lors de mon travail de recherche, un certain nombre de signes semble régulièrement revenir sur le devant de la scène : perte de poids, d’appétit, prise de poids, boulimie, repli sur soi, silences, perte de joie de vivre, sommeil agité, refus d’aller à l’école ou de raconter ses journées, discrétion importante, entailles aux poignets, blessures inhabituelles cachées par des tenues vestimentaires larges ou chaudes en dépit du beau temps. Des notes qui baissent, une concentration moindre, des réactions plus vives, plus violentes ou au contraire une apathie aigue ou encore des émotions exacerbées à priori non justifiées….
– Ce livre s’adresse-t-il aussi à eux justement ?
Ce livre a pour vocation d’offrir un second souffle à toutes celles et ceux que la vie a éprouvé. Il se destine aux amoureux des livres qui aspirent, au fil des pages, à éprouver de jolies émotions, mais également aux parents soucieux de protéger leurs enfants, à tous les adolescents victimes de harcèlement et à toutes celles et ceux qui sans s’en rendre compte, endossent le rôle traumatisant de bourreau.
– Comment faire prendre conscience des conséquences terribles de ces harcèlements aux bourreaux ?
Dans mon roman, il est tout un chapitre consacré à deux jumeaux, qui, durant des années, ont été de véritables bourreaux. Leurs jeux blessants, leurs critiques acerbes, leurs insultes permanentes ayant fini par conduire à la destruction d’une jeune fille. Confrontés à la conséquence tragique de leurs actes, choqués par la décision de leur victime, ils prennent la décision, pour expier leurs fautes, d’intervenir dans les collèges pour conter leur propre histoire et témoigner des horreurs commises et de ce que cela a induit. Je me demande si cela ne pourrait pas être une idée constructive de faire appel à des adultes conscients de leurs erreurs du passé pour qu’ils puissent expliquer et témoigner des remords avec lesquels ils ont eu à vivre afin de sensibiliser, les bourreaux d’une part, et les suiveurs, qui, par crainte d’être rejetés, suivent les leaders.
– Comment peut-on aider les victimes sur le terrain et pas, après coup ?
En étant à notre humble niveau, autant que nous sommes, à l’écoute, protecteurs, vigilants. Cela suppose bien sûr, une grande ouverture d’esprit. Certaines victimes se taisent pas peur du jugement, de la critique, parce qu’ils savent qu’ils ne rentrent pas dans les codes pré établis : homosexualité, non genre, couleur de peau, culture, religion … Ils préfèrent se taire plutôt que d’imaginer la déception dans le regard de leurs proches, de leurs parents, de leurs famille. Je crois que lutter contre la violence sur le terrain, c’est aussi accepter la différence afin que nos enfants sachent que l’on peut parler de tout, sans tabou, sans crainte d’un possible rejet.
– Comment arrivez-vous à voir la beauté du Monde après avoir vécu plusieurs années de suite le « harcèlement scolaire »?
Si je dissémine de petits morceaux de ma vie dans chacun de mes romans, je ne peux pas, si je suis transparente, dire que j’ai vécu le harcèlement scolaire à proprement parler. J’ai certes été longtemps moquée pour mon physique disgracieux, à l’époque très musclé et masculin, mais j’ai eu la chance que ce même physique me permette de me défendre. J’ai donc été profondément blessée, à de nombreuses reprises, particulièrement mal dans ma peau, mais j’ai eu la chance de ne pas avoir été détruite par cela.
– Pourquoi avoir intitulé ce livre « Au-delà des nuages, le soleil brille » ?
Chacun de mes romans traite de résilience, de rebond, de possible nouveau départ, de belles rencontres capables de changer la donne et de nous offrir de nous reconstruire, pas à pas. Ce titre a pour vocation d’offrir aux victimes de croire en un avenir meilleur en dépit d’un présent horriblement douloureux.
– Vous abordez des thèmes souvent difficiles, expliquez-nous ce qui vous motive justement car il faut pouvoir s’immerger dans chaque histoire ?
D’aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours été affectée par la bêtise humaine. Je n’ai jamais compris la violence des guerres, la violence du jugement et j’ai quelques difficultés à composer avec l’intolérance ! Ainsi, mettre des mots sur les maux, c’est pour moi une belle et humble façon, de participer, modestement mais fermement, à sensibiliser ceux qui m’accordent leur confiance à des sujets, forts, marquants ou d’actualité, qui nécessitent une prise de conscience importante. Tout n’a pas toujours été rose dans ma vie et l’écriture s’est révélée un exutoire. J’ai simplement à cœur de participer à quelque chose de porteur, bienveillant et constructif en prenant soin de délivrer des messages qui ont du sens.
– Quel message souhaitez-vous faire passer ?
Qu’en dépit de la bêtise et de la méchanceté gratuite, il existe heureusement de belles personnes capables de nous tendre la main et de nous rappeler, qu’envers et contre tout, au-delà des nuages, le soleil brille … Une once d’espoir, en somme :0) !
Découvrir le livre : https://www.tremplincarriere.com/au-dela-des-nuages-le-soleil-brille/
https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4658_proposition-loi