Le 17 janvier 1975 était promulguée la loi portée par Simone Veil. Cette loi donnait enfin aux femmes la possibilité d’avorter dans des conditions sûres et légales et ce en dépénalisant l’interruption volontaire de grossesse. Quarante ans plus tard, en janvier 2015, Marisol Touraine, devant une situation loin d’être idéale pour les femmes, alors Ministre des Affaires Sociales, de la Santé et des Droits de femmes, continue le travail et lance une campagne nationale d’information et d’action sur le droit des femmes à disposer de leur corps et pour améliorer l’accès  à l’IVG.

Nous sommes maintenant en 2019, et cet interview écrit en 2015 que nous vous postons ce jour au sein de Françaises Ethniques a pour mission de rappeler que c’est un droit pour les femmes, et ce même si la question de l’avortement continue de susciter des débats dans un climat qui tend à faire culpabiliser les intéressées. Aucune des femmes dans cette situation ne devraient avoir à subir le courroux et la malignité des personnes qui ne sont pas concernées par la dite situation mais surtout toutes les femmes devraient pouvoir être informées au mieux.

Affiche de la campagne d’information de 2015

Pourquoi cette campagne ?
Si en France l’avortement est dépénalisé depuis la loi Veil de 1975, les femmes souhaitant interrompre leur grossesse sont encore confrontées à de nombreux freins : sentiment de culpabilité, idées reçues, sites internet diffusant des informations orientées par les anti-IVG ou encore inégalités géographiques et délais d’attentes sont autant d’obstacles qu’elles ont à gérer.  Marisol Touraine a lancé en janvier 2015 un programme national d’action intégrant une série de mesures pour faciliter le parcours et l’accès à l’IVG. Le projet de loi relatif à la santé propose de nouvelles avancées. Parmi elles : le rôle plus important accordé aux sages-femmes, un remboursement intégral élargi aux actes associés à l’IVG (analyses de sang, échographies) et la suppression du délai de réflexion.

Que se passe-t-il le 28 septembre ?
Lancement d’un numéro d’appel national, anonyme  et gratuit:
0800 08 11 11, accessible en métropole et dans les DOM pour toutes les questions que se posent les femmes sur la sexualité, la contraception et l’IVG. Ce sont des professionnels des plannings familiaux qui vous répondront le lundi de 9h à 22h et du mardi au samedi de 9h à 20h (ce numéro était régional auparavant).

Tous mobilisés sur Twitter et Instagram avec le hashtag #IVGcestmondroit
Pour affirmer que les femmes doivent pouvoir disposer librement de leur corps et que l’IVG doit être un droit pour toutes, rendez-vous sur le hashtag  #IVGcestmondroit sur Facebook, Twitter et Instagram.

Entretien avec Marisol Touraine :
-En tant que Femme, quelle est votre objectif premier en lançant cette campagne nationale d’information sur l’IVG et le droit des femmes à disposer de leur corps ?
Le message est simple : pas de jugement, pas de pression, pas de désinformation ! L’IVG est un droit pour toutes les femmes qui souhaitent interrompre une grossesse non désirée. Ce droit n’est pas négociable : le corps des femmes leur appartient, elles ont le droit d’en disposer. Et toutes les femmes doivent avoir le choix : celui d’être mère ou pas, et au moment où elles le veulent.

-Quelles en sont les mesures-phares?
Il s’agit d’informer, concrètement et simplement, les femmes de leurs droits. Nous lançons donc de nouveaux outils : nous avons développé le site www.ivg.gouv.fr, lancé en 2013, qui propose une information neutre sur l’IVG. Et je lance, en même temps que cette campagne, le premier numéro national d’information et d’écoute sur les sexualités, la contraception et l’IVG, le 0800 08 11 11. Ce numéro est anonyme et gratuit.

-A titre personnel, avez-vous vous même été confronté directement ou indirectement ou directement à l’IVG. Pouvez-vous nous en parler?
En tant que femme, et en tant que mère aussi, je suis forcément sensible à cette question.

-Quelle est votre position face aux anti-ivg. Comprenez-vous leur positionnement ?
La loi doit être respectée. Elle ouvre un droit, et il n’est pas tolérable de faire pression sur les femmes en multipliant les sites web mensongers sur l’IVG ! Je suis préoccupée par la résurgence en France de positions de régression à l’égard des femmes. C’est pourquoi renforcer le droit à l’information des femmes sur l’IVG est pour moi une priorité : le site internet et le numéro de téléphone que je lance répond précisément à ce besoin.

-Un message aux femmes qui désirent en savoir plus concernant l’IVG ?
Depuis mai 2012, l’accès à l’IVG a beaucoup avancé dans notre pays. J’ai décidé de rendre cet acte gratuit et de soutenir financièrement les établissements de santé qui pratiquent l’IVG. La loi n’impose plus que les femmes doivent être en détresse pour pouvoir avorter : c’est un droit, tout simplement. Cette campagne et ce numéro national d’information sont une nouvelle étape. Je suis fière de défendre ce droit !

Merci Madame la Ministre.

Marisol Touraine – (©) AFP KENZO TRIBOUILLARD

Plus tard Françaises Ethniques a eu la possibilité de rencontrer des femmes qui ont pris le temps de témoigner sur le sujet, parmi elles:

Mariam Karamoko, 27 ans, blogueuse beauté-bien être, Paris
– Que pensez-vous de l’IVG? Pourquoi?
L’IVG est selon moi le dernier recours à avoir en cas de force majeure (viol, mariage forcé, etc.). Aujourd’hui, il existe beaucoup de moyens de contraception, la plupart destinés aux femmes, pour empêcher toute fécondation. Les couples doivent être en mesure de se responsabiliser, mais de pouvoir communiquer sur leur sexualité et leur désir ou non d’avoir des enfants. Le droit à l’avortement c’est le droit de disposer du droit de vie d’un être humain. Ce serait vraiment déplacé de faire la « promotion » de l’avortement à travers des campagnes. On peut être fière de disposer de son propre corps, mais on n’a pas à être fière de mettre fin à un début de vie.

– Avez-vous été confronté de près ou de loin à l’interruption volontaire de grossesse?
J’ai eu à écouter des témoignages de femmes qui ont eu à avorter, et qui, par la suite on eu quelques difficultés à avoir un enfant. Même si cet acte occupe une place juridique et politique, on devrait faire appel à des experts comme les psychologues ou sociologues pour accompagner ces femmes, par exemple, car c’est vraiment quelque chose de très personnel et les raisons qui peuvent pousser à l’avortement sont différentes selon les communautés.

Sophie Sounoun, mannequin et coach en image,  dirigeante de ethnika MODA, d’origine russo-béninoise-bulgare et… Maman d’une petite fille de un an.
– Avez-vous été confronté indirectement ou directement à l’IVG?
J’ai été confronté personnellement à l’IVG, car cela fait tout juste un mois que j’y ai eu recours, à cinq semaines de grossesse. Je l’ai vécu de plein fouet, et c’est un acte douloureux, angoissant, encore plus douloureux quand on a déjà eu un enfant…C’est un choix personnel, c’est quelque-chose que l’on vit seule Mais cela aurait été un poids de le garder,  et,  par ailleurs,  ma santé ne me le permettait pas.

– Quelle est votre position face aux anti-ivg? Comprenez-vous leur positionnement ?
Je suis, au vue de mon expérience,  pour l’IVG, car je pense que si mon mari et moi on n’avait pas eu le choix de l’avortement, on en aurait souffert,  car c’est un enfant qui n’aurait pas été désiré.  Cela a donc été un choix,  une libération. Bien entendu,  je suis pour l’interruption volontaire de grossesse dans le respect d’un certain timing. Après, plus de trois mois de grossesse,  c’est différent… Dans tous les cas, en tant que femme, cela a été une libération d’avorter.

JB.

(©) Reuters