Une société de la longévité en France,

Françaises ethniques s’est penché sur le vieillissement de la population en France.

Notre société est depuis de nombreuses années confrontée
à un vieillissement de sa population. Les projections confirment cette tendance : en 2030 les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans en France, et les 85 ans et plus verront leur nombre exploser, passant de 1,8 million aujourd’hui à 2,6 millions. En 2050, ils seront 5,6 millions, dont 2 millions en perte d’autonomie. Cette société dite de la « longévité » attire l’attention de différents acteurs, qui voient des opportunités économiques avec le développement de la Silver économie ou qui s’inquiètent du financement de la «dépendance».

Mais de qui parle-t-on ? Et de quoi parle-t-on ?

Toute l’organisation de l’accompagnement de la perte d’autonomie liée
au vieillissement, structurée depuis son origine sur la compensation
de la « dépendance », est rattachée à une notion d’âge. En effet, si
nous reprenons la définition de la « dépendance » nous comprenons
mieux pourquoi la personne âgée n’est plus reconnue dans ses droits,
sa liberté et dans les modalités de structuration de son parcours de
vie, limitant sa capacité d’agir et de penser.

Plaidoyer pour les personnes âgées, par la croix-rouge

Le 24 septembre dernier, la Croix-Rouge française a en effet remis à Myriam El Khomri son plaidoyer pour les personnes âgées dans lequel l’association défend une « société de la longévité », appelant à une reconsidération de la personne fragile et à repenser les modes d’accompagnement des seniors selon une dynamique de parcours de vie. Très investie dans la concertation grand âge et autonomie qui a abouti au rapport Libault en mars dernier, la Croix-Rouge française y présente quatorze propositions concrètes.

« Il faut considérer la personne fragile comme source de potentialité pour notre société : l’aider dans son parcours de vie, la valoriser dans une dynamique inclusive, s’assurer du respect de ses droits et libertés. En somme, accompagner plutôt que compenser, en donnant toute leur place aux métiers du grand âge et aux aidants qui agissent auprès des personnes fragilisées par leur vieillissement. » Jean-Christophe Combe, Directeur Général de la Croix-Rouge française.

Plaidoyer de la croix-rouge française pour les personnes âgées

Quelques chiffres sur une population vieillissante

Selon l’INSEE, en 2030 les plus de 65 ans seront plus nombreux que les moins de 20 ans en France, et les 85 ans et plus verront leur nombre exploser, passant de 1,8 million aujourd’hui à 2,6 millions. En 2050, ils seront 5,6 millions, dont 2 millions en perte d’autonomie.
Aujourd’hui, l’organisation de l’accompagnement de la perte d’autonomie liée au vieillissement s’articule autour de l’âge.

 » Et en reprenant strictement la définition de la « dépendance », la personne âgée n’est plus reconnue dans ses droits, sa liberté et dans les modalités de structuration de son parcours de vie, limitant ainsi sa capacité d’agir et de penser. C’est cette image et cette place des personnes âgées dans notre société que la Croix-Rouge française veut changer » .

La croix-rouge, aux services des plus démunies sur tout le territoire

Depuis des décennies, la Croix-Rouge française accueille et accompagne des personnes dites « âgées » à travers son offre sur l’ensemble du territoire avec plus de 110 établissements d’accueil et d’aide et de soins à domicile. En plus de son offre globale, elle forme 12 % du personnel soignant en France, en formation initiale et formation continue. Par ailleurs, plus de 3 200 bénévoles de l’association sont engagés spécifiquement auprès des publics dits « âgés » au travers des 41 Haltes Répit-Détente Alzheimer. Enfin, près de 25 000 personnes de plus de 64 ans sont accueillies dans ses dispositifs d’aide alimentaire. Une légitimité qui pousse la Croix-Rouge française à apporter son regard et porter ses actions au cœur de l’évolution des politiques publiques, et ce, de manière durable.

Le plaidoyer pour une meilleure reconnaissance des personnes âgées dans notre société

Dans le plaidoyer qu’elle vient de remettre à Myriam El Khomri, mais également à Marie-Anne Montchamp et Dominique Libault, en amont de la loi Grand Age et autonomie, la Croix-Rouge française livre son expertise avec quatorze propositions concrètes. Elle y priorise un retour à la liberté et à la citoyenneté des personnes âgées, un statut qui malheureusement s’efface au fil de la vie des seniors, provoquant un isolement social et un sentiment d’inutilité.

C’est tout l’objet du projet COEUR (COmité d’Expression des Usagers en Région) Croix-Rouge dont l’ambition est de renforcer la place des personnes en situation de fragilité dans l’expression de leurs souhaits et de leurs attentes. L’association se donne également comme priorité de passer d’une culture de la dépendance à celle de la capacité d’agir. Inclusion, participation, prévention, cohésion, personnalisation, décloisonnement, autonomie, autant de mots qui doivent guider et structurer l’accueil, l’accompagnement, la prise en soins des seniors, non plus sur leurs déficiences ou dépendances mais en fonction de leurs « capabilités » même pour ceux en perte d’autonomie. Pour ce faire, il est indispensable de passer d’une logique de lits ou de chambres à une logique d’habitat en adaptant l’approche et la conception des architectures, des organisations, des rythmes pour que chaque personne se sente «chez elle » mais aussi en soutenant notamment l’encadrement à domicile comme en établissement et en offrant une meilleure reconnaissance de la place des aidants. Il faut renforcer la formation, l’attractivité et l’accompagnement des professionnels des métiers du grand âge, notamment via la revalorisation salariale, la construction de parcours de carrière, le renforcement des perspectives d’évolution professionnelle grâce à l’activité de coordination pour les aides à domicile et les aides-soignants.

Définition de la dépendance

« État de quelqu’un qui est soumis à l’autorité d’autrui… »
« État, situation de quelqu’un, d’un groupe, qui n’a pas son autonomie
par rapport à l’autre, qui n’est pas libre d’agir à sa guise
».
Cette définition de la dépendance et la représentation collective qu’elle induit se retrouve au cœur de toute l’organisation des parcours des personnes âgées, ne serait-ce que dans la dénomination des établissements médicalisés (« Établissement d’hébergement pour
personnes âgées dépendantes » (EHPAD). Un changement d’approche sémantique souligne un premier élan vers le changement de regard porté sur la perte d’autonomie et sur la valorisation des capabilités, à l’image de la Prestation spécifique dépendance (PSD) devenue Allocation Personnalisée d’Autonomie (APA) en juillet 2001.

Changer notre perception des seniors, un long chemin à parcourir


La sémantique et le champ lexical utilisés influent de manière importante sur la perception des seniors par la société et affectent au quotidien les modes de pensée, les façons d’agir, les modalités de formation des professionnels, la manière de conceptualiser l’accompagnement au sein des établissements d’accueil et d’hébergement ou par les services à domicile, la façon de financer cet accompagnement, etc. La Croix-Rouge française considère donc la difficulté de notre société à reconnaître une véritable place aux seniors en perte d’autonomie, comme personnes « capables » d’agir, de penser, de choisir, et tout simplement de continuer à vivre leur parcours de vie en pleine citoyenneté. La Croix-Rouge française souhaite donc un changement radical de mode de pensée et d’agir modifiant certains fondements historiques des modes d’organisation de notre système de santé et de prise en soin du Grand Âge.

Aujourd’hui, malgré de nombreuses impulsions législatives pour améliorer la place et l’accompagnement des personnes âgées dans notre société à travers la loi du 02/01/02, ou, encore plus récemment, la loi d’Adaptation de la Société au Vieillissement promulguée le
28/12/2015, nous ne pouvons constater que la vision et la place que nous accordons aux seniors n’ont que peu évolué.

Une série d’actions de la croix-rouge pour reconsidérer la place des seniors en France

Lorsqu’un service à domicile, un EHPAD ou tout simplement la presse relaie une conséquence de désorientation d’un senior qui a quitté son lieu de vie, nous parlons encore de « fugue ». Mais de qui parle-t-on? La Croix-Rouge française veut abolir ce vocabulaire infantilisant et
repositionner le sens des mots. Il s’agit là d’une brique majeure à la reconstruction de l’édifice de la reconsidération du senior dans notre société et de reconnaissance de sa pleine citoyenneté.
Pour répondre à cet enjeu majeur, la Croix-Rouge française s’engage à accompagner le changement de paradigme à travers ses actions auprès des pouvoirs publics mais aussi à faire preuve d’exemplarité dans son modèle d’accueil et d’accompagnement des personnes
âgées au sein de ses établissements et services. L’enjeu est pour nous d’accompagner ce changement de paradigme au travers de deux questions stratégiques.

Parler de manière éthique, lorsque nous parlons d’âge et de grand âge

De qui parle-t-on, lorsque nous accompagnons une personne en perte d’autonomie au sein de la société ?

La société de la longévité nous bouscule dans nos représentations. Elle démontre, de par différents facteurs, que l’âge n’a plus de sens pour définir l’organisation de notre système de santé, l’organisation de notre cité, l’organisation tout simplement de notre société. En effet, comment dire que nous allons accompagner le grand âge au sein des EHPAD ou des résidences autonomie ou encore dans les dispositifs de soutien à domicile avec des personnes pouvant avoir 30 ans d’écart?

De même, comment qualifier des personnes en situation de handicap et en perte d’autonomie? La réponse est « Personne handicapée vieillissante »: est-ce une réponse satisfaisante?
Il s’agit là de repenser la place de l’âge et de ne plus penser l’âge comme source de structuration de notre société. A l’instar des organisations dites « pyramidales » d’entreprises, qui trouvent de moins en moins leur place avec l’évolution de modes de pensée et de fonctionnement de l’humain et évoluent de manière plus transversale, l’organisation « pyramidale» des âges ne devrait pas être la source à toute organisation de notre société et de repère.
Si nous nous appuyons davantage sur des trajectoires de vie, plutôt que sur un déterminant ou indicateur de l’âge, ces trajectoires pourront être envisagées de manière plus personnalisée en fonction des besoins réels, mais également en prenant en compte les attentes réelles.


Théoriquement, l’organisation de notre système de santé dans l’accompagnement des seniors ne considère que les « besoins » tels que définis par la pyramide de Maslow: un besoin, une solution, et souvent avec peu d’agilité. Maslow précise que pour pouvoir se réaliser, il faut aller au-delà des seuls besoins et prendre en compte les attentes et les aspirations de chacun. À ce jour, l’expression des attentes des seniors ne trouve pas sa place, et ce malgré différents
outils pensés pour cela via des vecteurs législatifs (projet personnalisé, duplication de l’offre d’accompagnement et d’hébergement…), puisque la société ne reconnaît pas la « capabilité du senior en perte d’autonomie à agir et s’exprimer.
Il est donc nécessaire de mettre au même plan que les besoins, les attentes, les souhaits et les désirs et de structurer l’ensemble de notre modèle sur cette base tout en travaillant la reconnaissance et l’approche des « capabilités ». En considérant les seniors de manière plus individualisée, nous devons donc nous interroger sur l’identité des « personnes âgées ».

Ré-humaniser la personne, un sujet éthique et fondamental

Au regard des éléments soulignés ci-dessus, il nous apparaît difficile de parler de « personnes âgées » désormais, mais plutôt de personnes, tout simplement. Rattacher à une catégorie d’âge n’a pas de sens. Il est nécessaire au contraire de considérer que la trajectoire de vie et les différents impacts intrinsèques et/ou extrinsèques, nous amènent à parler de personnes en situation de fragilité ou de vulnérabilité nécessitant un accompagnement au sens premier du terme « être à côté de ». Cela sous-entend que nous adaptons notre accompagnement à chaque personne dans sa pleine capacité d’agir et de décider, de manière inclusive, en pleine citoyenneté et en valorisation de l’autonomie. L’absence, donc, de catégorisation par l’âge ou par la pathologie, permet de ré-humaniser la personne dans ce qu’elle est, ce qu’elle représente au même titre que tout citoyen, sans la considérer non plus invulnérable pour autant sur d’autres aspects de son parcours de vie.


Nous considérerons donc la personne fragile tout au long de notre modèle d’accompagnement et d’organisation au sein de la Croix-Rouge française et nous pensons pertinent de généraliser cette considération à l’ensemble des politiques publiques.


Comme le souligne le Haut conseil de la famille de l’enfance et de l’âge, deux approches antagonistes existent lorsque l’on aborde les réponses aux enjeux d’autonomie dans notre société:
« La première est une approche par le droit à vivre autonome. Il s’agit pour la collectivité d’apporter à la personne les moyens de répondre à ses besoins pour qu’elle exerce son droit à vivre de façon autonome, dans la dignité et le bien-être, et en pleine citoyenneté. Il n’y a pas de
critère d’âge, ni de gravité pour le soutien, ce sont les besoins de la personne qui priment. Il n’y a que peu de limites à ces besoins, la réponse s’organise de manière cohérente, essentiellement
par des services de prévention et de soutien, et s’appuie sur une professionnalisation du « care ». Dans ce type d’approche inclusive, l’adaptation de la société à la personne est vécue de manière positive et s’inscrit dans une approche « age friendly », globale et transversale.


La seconde est une approche qui vise à compenser le risque de perte d’autonomie, considéré comme un nouveau risque social. Il s’agit moins de s’adapter que de compenser un déficit, « une dépendance », avec une vision plutôt « déficitaire » et plus centrée sur la personne et ses proches que sur son environnement. La compensation, souvent financière, laisse à la personne la liberté de s’organiser individuellement et de trouver le service adapté. Cette approche suppose de catégoriser le niveau de perte d’autonomie et de lui affecter un niveau de compensation en prestations (nature ou espèces), d’où l’importance de la phase d’évaluation. »
Alors qu’aujourd’hui la majorité des réponses apportées à la perte d’autonomie relèvent de la seconde approche – en compensant le déficit de la dépendance – il nous apparaît essentiel de s’appuyer davantage sur la première approche – en qualifiant non plus par l’âge mais par la fragilité.